roman
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La rouge histoire d’un siècle volé –
Nous apprîmes à Hondo-Noote qu’on avait volé un siècle et tous nous nous étions foutus à rire, bellement, de toutes dents, et à gorge déployée, respirant allègrement l’air savoureux que charrient les soirs de notre cité multi-séculaire, où il était possible à n’importe quel moment du jour ou de la nuit, à n’importe quel temps de la saison de pluie qui dure onze mois sur douze, de sentir l’âcreté de ce destin, qui treize siècles auparavant avait emporté a vers l’embouchure des temps immémoriaux, carbonisés à jamais et enveloppés dans un silence de linceul, la peuplade des pêcheurs Hongonds,
On a volé un siècle Ce grand trou dans le ciel
La nouvelle sortit dans le journal du dimancheVersi vu du matin.Ah donc cette menterie ! Nous apprîmes à Hondo-Noote qu’on avait volé un siècle. Et nous disions qu Il n’y avait qu’un cerveau pour penser x une balourdise pareille : le cerveau d’éléphant de Hoscar Hana. Toutes Les « unes » des journaux s’étaient affolées
1. Ce grand trou dans le ciel
Tout avait commencé par un baiser. Baiser de malheur. Donné à la sauvette des sauvettes. Sans tambours. Sans trompettes. Un baiser donné pour le simple bien fondé de la coutume, de la même manière qu’on le donnait depuis la nuit de cette même coutume, juste la lèvre supérieure à franchir, les avec une savante interdiction de fermer les yeux… Baiser du démon que disions-nous. Baiser brouillé, marqué à toutes les puanteurs du ciel et des enfers – Il avait bousillé les bouches et mis fausses lèvres à tous les destins. Nous aurions pu voir venir les choses, envisager des sorties de fortune dans cette loufoquerie, nous amenager une excuse… Nous sommes quand même un vieux peuple, dur à cuire, et avec quatre cents ans prédits à longtemps à l’avance, prophétisés et re-prophétisés au cheveu près – à l’exception bien sûr de ce baiser moisi, venu sans nous mettre la puce aux oreilles de l’histoire. Baiser braisé, donné dans l’inconscience la plus tragique,
Oscar Hana avait monté un potin sans tête ni queue, phémérides de jeu, exposé de décousue, et véritable à dormir debout. Il y aura un grand trou dans le ciel, entre le vingtième quatrième degré de longitude Est et quatorzième dégré de lassitude nord. Un grand trou noir comme la mort. […] Avec au milieu un concentré de bulles de carbonne, luisant comme une [le manuscrit se termine ainsi, inachevé]
Sony Labou Tansi, « La rouge histoire d’un siècle volé, [suivi de] Ce grand trou dans le ciel [suivi de] Le commencement des douleurs », manuscrit inédit, conservé à la BFM de Limoges, [SLT 44/4, Fonds Brazzaville n° 44].