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Saccageurs (Lionel Manga)

3 août 2020
Jusqu’où donc ira la morgue contondante des bureaucrates installés à Ebo dans l’appareil de l’État ? Leur cynisme n’a donc point de limite ? Terrorisés par l’ampleur du Fiasco historique et ce que pourrait être un jour des comptes à rendre, il ne reste plus à cette clique que la fuite en avant dans l’inanité vers un gouffre, si ce n’est déjà même dans. Tapie derrière le B.I.R et ses soldats d’élite formés pour tuer sans poser de questions, elle continue de s’affairer pour son propre compte au détriment du bien commun et persiste sur la voie de l’entropie. Empalée sur une phénoménale petitesse, sa cécité et sa surdité confisquent le destin de la « terre chérie », comme si elle était leur propriété privée et ils auraient le loisir/droit de n’en faire qu’à leur guise, l’avis des gens ne comptant guère. C’est à cette arrogance everestienne et depuis longtemps insupportable que les Anglophones séditieux ont décidé de mettre fin, à bout d’écœurement. Un terroir fait face en ces jours de Covid-19 à ce Léviathan glouton qui piétine sans vergogne ses engagements propres et internationaux en matière de protection de l’environnement.
A-t-on seulement idée en 2020 de livrer un tel puits de carbone référencé à la prédation désastreuse d’une industrie extractive ? La forêt d’Ebo en séquestre 35 000 000 t et fait 2000 km² de superficie, soit presque celle de Londres, parce que primaire, intacte. Des chercheurs y ont même découvert une espèce de gorilles inconnue de la science, qui fouissent les termites et cassent des noix, une compétence jamais observée nulle part ailleurs. Peu curieuse, pour ne pas dire tout court bornée, une information de cette teneur ne fait ni chaud ni froid à cette gent du bas-ventre et du ventre. Est-ce bien raisonnable de succomber à la tentation omniprésente des commissions occultes et de faire obstinément la sourde oreille, as usual, aux protestations légitimes d’une communauté riveraine outrée par ce geste de spoliation ?
Quatre ans durant, du 19 octobre 1992 à un certain jour de Septembre 1996, j’ai occupé l’espace radiophonique de Yaoundé et ses environs avec une chronique intitulée Klorofil, à la naissante FM 94. C’était au lendemain du Sommet de la Terre tenu à Rio, le 1er Juin cette année-là. Trois fois par semaine, lundi, mercredi et vendredi, de7h45’ à 7h55’, le Petit Homme Vert faisait tranquille son lanceur d’alerte. Il lui revint par la bande que son contenu était politique. Et alors ? Le contraire eut été fort étonnant. La beauté est une question écologique et un enjeu très politique. Cette présence matinale, plébiscitée et bénévole, lui valut de participer aux travaux d’élaboration du plan national de gestion de l’environnement. Il n’y croisa que des opportunistes en tout genre alléchés par le magot que les bailleurs de fonds allouaient aux associations s’affichant dédiées à l’écologie. Même qu’un enseignant de géographie émargeant dans un collège catholique renommé de la capitale, avec lequel il se croyait parti pour monter un mouvement vert actif, se servit de tout le travail abattu pour s’expatrier en Whiteland à son insu.
Formatés au productivisme et attentifs au solde de leur compte en banque, ces fonctionnaires zélés dans la délivrance de permis d’exploitation forestière à des saccageurs, n’ont manifestement pas pris conscience qu’une bifurcation est inévitable et en cours dans la trajectoire erratique du Bipède sur Terre. L’Afrique a tous les atouts today pour montrer la voie du futur, moyennant quelques réglages dans l’espace des affordances et le remplacement des Supplétifs par une génération de femmes et d’homme n’ayant pas froid aux yeux. Lorsque le Bolsonaro livre l’Amazonie aux brûlants intérêts des industriels du soja, une bronca mondiale ne tarde pas à lui exprimer illico sa désapprobation. Par ces temps qui mènent vers une distorsion climatique, un puits de carbone a une valeur inestimable. C’est juste insensé de ruiner cet actif par rapacité. Mieux : où est donc la différence avec le geste que les Allemands commirent en passant outre les termes du traité signé en Juillet 1884, faisant main basse sur le patrimoine foncier des riverains du Rio dos camaroes ? Comme de bien entendu, les autres Camerounaises/Camerounais ne se sentent pas du tout concerné(e)s par cette empoignade autour d’une dépossession. #ProtectEboForest

ENJEU CONCERNÉ

Menaces sur la forêt d’Ebo

AUTRE CRÉATION MOBILISÉE

* Benguè (Blick Bassy)