poème

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Retour à Gabès (Tahar Bekri)

Je te retrouve palmeraie au bord de la mer
Et ne sais si ton silence
Couve l’artifice des feux
A l’horizon du soir qui décline
Ou si ta quiétude soudaine
Accueille mes pas dans le frémissement des palmes
Ce ciel lancinant comme un retour
Dans l’incandescence de la saison
Me ramenant aux années habitées
Par le rêve en sommeil
De quelle mélancolie es-tu faite terre
Tant de pierres sur le chemin vers la source
Tant de pierres sur le chemin vers la source
Consolent les fissures dans le pli des demeures
La lucarne dans la cabane de mon grand-père
Ouverte sur l’odeur du henné parmi la luzerne
Et moi comme un grenadier jaloux de tes treilles
Je reviens te revoir jardin te demander pardon
Le palmier a-t-il résisté à la nappe détournée
Les oiseaux ont-ils eu des refuges
Pour abriter leurs envolées dans la tourmente
Ai-je oublié orges basilic et feuilles de corète
Par les soirs où je longeais les talus épineux
Le cœur vibrant comme un appel à la prière
Je te retrouve palmeraie dans la canicule
La redondance des souvenirs entre flux et reflux
Dans les refrains désinvoltes
Coursant la lumière remplie de mes petits ans
Souviens-toi je te disais sais-tu si les rivages
Ont effacé les traces de mes insomnies
L’étoile filante à rebours de l’âge
Les grains de tournesols nourris de la nuit
Dérobée à l’impatience furtive
Ai-je trop chargé l’enfance comme une mule
Pour raccompagner le ruisseau vers la cascade
Les baignades dans l’allégresse juvénile et solennelle
Te revoir oasis mère si souffrante
Et moi comme une tourterelle sanguinolente
Je te revois je ne sais si les oiseaux migrateurs
Reviennent sur tes cimes
Ou si le soufre couvre ton ciel et croupit à ton chevet
Voici la mer qui vomit ses algues
Tant de sables souillés par la cupidité gluante
Pleure ô mon enfance les vagues
Où tu emportais le monde sel et écume !

© Tahar Bekri

ENJEU CONCERNÉ

Menaces sur la palmeraie de Gabès

AUTRE CRÉATION MOBILISÉE

* 2103, le retour de l’éléphant (Abdelaziz Belkhodja, 2005)