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« Rahesh » (Reza Amirkhani)

Nous découvrons l'histoire de Rahesh (anagramme du mot ville en persan ), à travers les yeux de Lia, une mère, autrefois architecte, épuisée par le style architectural de la ville, elle est en conflit constant avec son mari, Ala, qui travaille à la municipalité. Leur fils, Ilya, souffre d'asthme et Lia est convaincue que la ville de Téhéran, la pollution de l'air, et les autorités municipales sont responsables de la maladie de son fils.Le roman repose principalement sur la symétrie entre la domination masculine sur les femmes et l'exploitation excessive de l'environnement. Le discours écoféministe de l'auteur exprime son inquiétude face à la crise environnementale urbaine et aux inégalités de genre. En réalité, ce roman aborde divers conflits de classe, la discrimination de genre, ainsi que l'exploitation excessive de la nature et de l'environnement. Bien qu'aujourd'hui les femmes aient trouvé leur place dans les activités culturelles, scientifiques et économiques des sociétés modernes, la voix de la nature demeure opprimée, victime des exigences des profiteurs sous couvert de développement et de technologie. [1]

« Quelle différence y a-t-il entre mon enfant et un vétéran de guerre atteint de blessures chimiques ? Supposons qu’il ne soit pas un volontaire, quelle différence cela fait-il avec un enfant d’Alep ? Est-ce qu'Ala, qui assiste à des séminaires sur les blessures chimiques en portant un keffieh et qui donne des fleurs aux vétérans sur la scène de la mairie, ne devrait-il pas aussi donner des fleurs à Ilia ? Ces vétérans ont été mis dans cet état par Saddam. Qui est le Saddam de mon enfant ? Qui a mis Ilia dans cet état ? Ce Saddam avait de la chair, de la peau, des os, mais ce Saddam-là est fait de papier : des règlements d’urbanisme, des lois de circulation, des immatriculations, des inspections techniques, et cette ville polluée… Comme ce Saddam n'a ni poids, ni image, devrions-nous alors ignorer Ilia et sa maladie ? Devons-nous rejeter la faute sur le destin, les gènes, ou la famille ? Et ensuite, devons-nous avoir honte de sa maladie et ne plus le montrer en public ?

Le bruit du marteau-piqueur qui frappe les murs de la maison voisine m'empêche de réfléchir, et Ilia aussi se tait. Nous restons tous les deux assis, nous nous regardons, et dans son regard, il semble dire que nous avons perdu notre temps en allant au bureau de Farazandeh, où tout a été réglé avec des mots trompeurs et un simple jeu. Il a même placé une balançoire en métal au milieu du conflit pour tout résoudre, et Ala n'a rien fait… J'attends que l'anniversaire des cinq ans d'Ilia arrive. Peut-être que le chiffre cinq apportera un changement dans notre vie. Comme disent les grands-mères, "Par la grâce des Cinq", les lustres tremblent sous les vibrations du marteau-piqueur. Peut-être aurons-nous de la chance et le toit ne s'effondrera pas. Dans mon esprit, comme dans une machine à laver, des pensées effrayantes tournent et se mélangent, mais elles ne se nettoient pas, elles ne s’éclaircissent pas. Elles deviennent juste plus lourdes, imprégnées d'eau.

J'avais dit que deux jours avant l’événement, les chevaux frappent du sabot, les chiens grincent des dents, la nuit les chats s’affrontent, les pigeons deviennent agités, et les chouettes battent des ailes au milieu de la nuit. J'avais même dit que les hommes brisent des assiettes… Mais je pensais que nous, les femmes, étions comme des poissons d’aquarium, murmurant silencieusement "yo" et soufflant des bulles. Maintenant, je comprends que non… Avant l’événement, une machine à laver commence à tourner dans le cœur des femmes, et son bouton s’allume. Peut-être que c’était un minuteur. Mais quand le moment est venu, la machine à laver des femmes de ce monde s’allume toutes en même temps.

[…]

 Je promets à Ilya que nous irons à la montagne cette semaine. Son médecin nous a également conseillé de le faire ; bien sûr, pas les montagnes de Téhéran, qui ne font que retenir la pollution. En réalité, lorsque le médecin parle de montagnes, il pense à un endroit avec un air pur et agréable, pas à Darabad, où se trouve le sommet de Kashank, et où tous les vents du sud-ouest au nord-est de Téhéran viennent s'accumuler entre ses parois. »

Reza Amirkhani, Rahesh, Téhéran, Ofoq, 2019, p 46-48.



[1] Zahra Esmaeili Koshmardan, Negar Mazari, « Etude du discours de l'écoféminisme dans le roman Rahesh de Reza Amirkhani, basé sur le modèle d'analyse du discours de Fairclough », Théorie et critique littéraire, Université de Gilan, Année 6, Vol. 2, No. 12, Hiver 2022, pp 5-27, p 25.

ENJEU CONCERNÉ

Pollution de l’air à Téhéran

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