roman
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Patrick Turgis, « Soussou-la-Gueuse », Tanahéli. Chroniques mahoraises, Paris, éditions L’Harmattan, coll. « Lettres de l’océan Indien », 2003, p. 67-81
Patrick Turgis, d’origine normande, résida à Mayotte dans les années 1990. Il y fut enseignant de lettres modernes.
Vers la fin de la nouvelle :
Zaïnata, trop délurée et entreprenante avec les garçons, est chassée par sa famille. Elle perd son prénom et devient « Soussou-la-Gueuse ». Elle se réfugie à Tanahéli où elle se prostitue jusqu’à sa rencontre avec un « m’zungu » (un métropolitain) :
« Il s’appelait Christophe et travaillait à la DAF[1]. Sa mission consistait essentiellement à tenter de convaincre les planteurs mahorais de renoncer à la culture sur brûlis. Il allait donc de village en village porter la bonne parole… Il leur parlait de respect de l’environnement, de préservation des ressources halieutiques, de rendements à long terme ; il leur montrait des photographies de padza[2] stérile, de terres nues lessivées par les pluies de la mousson, de coraux étouffés par la vase… Ils écoutaient en silence, hochaient la tête en signe d’approbation et s’en retournaient au labeur où ils continuaient de suivre les pratiques de leurs aïeux : on défrichait, on brûlait, on plantait du manioc ou des bananiers. En quelques années, le sol était épuisé, la bonne terre partie avec les eaux de ruissellement. Alors, on allait plus loin, et on recommençait… Cela durait depuis des générations et ce n’étaient pas les discours d’un jeune m’zungu venu de métropole qui allaient les faire changer ! Christophe lui-même ne se faisait plus aucune illusion sur l’efficacité de son action. D’ailleurs, il n’avait rien à proposer en contrepartie : ni subventions, ni engrais… » (p. 77-78)
Contributrice: Linda Rasoamanana
[1] Direction de l’Agriculture et de la Forêt. (NdA)
[2] Stade ultime de l’érosion, lorsque la latérite est à nu. (NdA)