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Fiston Mwanza Mujila, Tram 83, Paris, éditions Le Métailié, 2014, p. 188-191.
Dans Tram 83, le personnage de Requiem met en action le système débrouille afin de contrer la décision du General dissident de ré-ouvrir la Mine 15. Le projet politique est de rendre cette dernière accessible aux étudiants qui pourront y arrondir leurs fins de mois. Avant que cela soit mis en application, il s'agit pour le stratège Requiem de réunir ses troupes et de remplir le plus de sacs possibles de diamants, de cobalt, de cuivre et de bronze en pénétrant de nuit dans la mine. Il constitue autour de lui un collectif de mineurs pour pénétrer de nuit dans la mine.
Ils arrivèrent a minuit trente-cinq à destination. Les éclaireurs avancèrent et revinrent sans plus tarder. Entre-temps, il sortit son carnet et griffonna : « Que feront-ils de leurs dents lorsqu’il n’y aura plus d’herbe a brouter ? L’homme propose, Dieu dispose. Que feront-ils lorsque des jujubiers pousseront des cisailles ? Mangeront-ils ces mêmes cisailles ? »
Pendant ce temps, Requiem racontait une de ses multiples aventures avec une fille pré- nubile. Ils pénétrèrent dans les installations pas a pas. Le terrain sentait le roussi. Les têtes brûlées juraient, selon une radio, peut-être la Voix du Tram, qu’ils mettraient le feu à tout corps humain pénétrant les installations, parce qu’une de leurs amies avait été surprise en flagrant délit de fellation avec une cohorte d’étudiants-mineurs... Le problème est qu’ils étaient détestés par toute la Ville-Pays, suite à leurs chapelets de forfaits, et qu’ils le savaient.
Requiem, qui était pris d’ébriété, parlementait. Il oublia même où il avait planqué les armes. Ses huit compagnons de route, les huit béatitudes, suppliaient le Négus de se taire. Il ressassait ce qu’il appelait son film fétiche, Le Clan des Siciliens, un film réalisé par Henri Verneuil. Ils réussirent à repérer le lieu, déterrèrent les instruments... 00 h 52... Ils pénétrèrent dans les grottes. Requiem se déshabilla hâtivement, urina sans plus tarder, tourna autour d’eux six fois en récitant une formule incantatoire.
L’histoire raconte que les creuseurs reprennent, une fois sous terre, des chansons aux formules magiques pour de multiples raisons : 1. Alerter les divinités en cas d’éventuels éboulements. 2. Chasser les esprits de ceux qui ont été ensevelis au même endroit et qui viennent troubler l’ordre public. Mortel Combat partageait l’idée que ce sont les cadavres qui procréent les pierres. « Il en faut, des hommes, pour verser leur sang et pour qu’on vive, nous, avec les pierres multipliées... » 3. Trouver la force de tout casser. 4. Espérer de ces divinités une abondante récolte.
Quelques instants après le rituel, les pioches et les pelles pleurnichaient. Ils avaient fumé de l’herbe au préalable. Dans la Ville-Pays, c’était recommandé pour un travail de longue haleine. Mortel Combat, avec sa gueule qui puait les toilettes du Tram, frappait fort.
– Va faire le guet, insistait Requiem a l’attention de Lucien, et il repartait avec la chronologie du premier film de Jean Gabin. Les parois volaient en éclats. Dysenterie et Los Caballeros, venus de Cuba sur la trace de leurs ancêtres, empilaient la marchandise. Requiem, tel un capitaine en pleine bataille, assis et par moments debout sur un tertre, haranguait sa troupe, rigolait, bavardait... Il était réputé pour cela ; une des raisons qui lui valut le titre de colon, il te faisait travailler a te faire perdre connaissance. « Vas-y, frappe, marque un but, ne désespère point, vas- y ! ». Lucien allait et venait, leur demandant de lever le camp. Du bruit, disait-il.
– À quoi sert une arme ? rétorquait le Négus. Qu’ils viennent, ils devront apprendre qu’on ne grimpe pas sur un train en marche, les pithécanthropes !... Règle numéro 20, les canailles sont la pour enregistrer des coups foirés. Qu’ils viennent !
Ils n’étaient munis que d’une seule torche ; de vraies taupes, ils frappaient, attaquaient, traquaient la pierre a l’intuition. Requiem, qui avait du tact, tâtait la matière et renseignait.
– À gauche, à droite, faible teneur, courage les gars !
Et pour détendre l’atmosphère, il récita ses premiers jours dans la Ville-Pays. Natif de l’autre bout, l’ancien pays, il était venu dans la Ville-Pays pour enterrer ses chagrins d’amour.