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Sinzo Aanza, Généalogie d'une banalité, La Roque d'Anthéron, Éditions Vents d'ailleurs, 2015, p. 38-39.
Le roman de Sinzo Aanza, se passe à Élisabethville, l'ancienne Lubumbashi, capitale de la région minière du Katanga, au sud de la République Démocratique du Congo (RDC). Les habitants du quartier du Bronx d'Élisabethville decident de creuser sous leurs maisons pour s'enrichir et court- circuiter les accords sur la vente du cuivre passes entre l'État congolais et les multinationales chinoises. Mais plus les habitants creusent et tentent en vain de trouver du cuivre, plus leurs maisons menacent de s’écrouler. Belladone, une jeune fille du quartier qui a été adoptée par le maitre d’école Kafka, accuse ce dernier d'avoir encourage les creuseurs et d'avoir cause leur mort.
« À mes yeux donc, c'est le Maître qui a appuyé sur le bouton. Tout s'est mis en branle après ses paroles. On en voyait des Chinois qui achetaient ça et là des minerais, des gamins et même des adultes leur criaient : « Hihon, hi non ! » avec une plate coquinerie qui dit la xénophobie inconsciente des cons [...]. Les Chinois engrangent des concentres de cuivre que des voyous comme Pako et sa bande leur apportent en commettant des crimes contre la société et contre la nation. C'est des câbles de courant électrique refondus, des traverses de la voie ferrée vandalisées, des morceaux d'un pont dévasté ou de la malachite volée dans les mines à ciel ouvert par les anciens creuseurs artisanaux dont l'État a ferme les carrières l'une après l'autre pour les donner aux investisseurs qui sont revenus après la guerre. Ce pays appartient aux investisseurs depuis toujours. Étrangers de préférence. Les investisseurs locaux, on ne les aime pas. Ils peuvent mettre dans la tête de tout le monde qu'il peut devenir investisseur et cela est une catastrophe. Ça mettrait fin à la Mobutu attitude [...]. « Investisseur » est une contre-culture dangereuse. Ça peut causer une révolution incorrigible, irrattrapable... Ça n'est pas bien pour le business des véritables investisseurs qui sont étrangers. En outre, l'État a toujours besoin de plus d'espace, parce qu'il a compris le jeu des Chinois avant nous. Il a donc choisi les Chinois les plus importants, ceux qui ont les plus de sous, de diplômes et d'adresses dans leur carnets d'adresses, et leur a confie tout le cuivre, toute la terre susceptibles d'en contenir. En retour, ils construisent des hôpitaux, des écoles, des bureaux, des hôtels et des routes pour emmener le cuivre en Chine. Le Maître a été le premier a comprendre que l'État est malin, qu'il faut toujours suivre son exemple [...]. Et donc, l'État, c'est bien entendu le deuxième responsable. Après le Maître. D'abord, la Gecamines est morte et l'État ne fait plus travailler les gens dans les conditions de l’époque qui a vu monter la montagne de scories. Cet affreux terril est devenu la seule colline de la ville. »