roman

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Légende de Londema (Lomami Tchibamba)

Entre le côté nord-est de l’ïle Mbamou et les abords marécageux de la rive droite du fleuve Zaïre, s’étalait une prairie aquatique parée d’émeraude sertie dans une lagune argileuse. Vraie fête pour la vue, cet endroit attirait les yeux par l’exubérance d’une verdure intense entretenue par la colonie d’une espèce d’herbes que les botanistes, dans leur jargon ésotérique, nomment echinochloa stagnina, semblable aux cannes à sucre de petites dimensions. Les « gens d’eau » les appellent mikoko. Et selon eux, c’est à ces mikoko que les poissons malangwa, mboto, mabundu, manyanga, capitaines… doivent le goût savoureux de leur chair, car ils en font une large consommation.

L’étalement touffu de ces mikoko sert aussi de refuge à presque tous les types de dipneustes et de téléostéens faisant partie de la faune ichtyologique qui gîte dans les sédiments vaseux des marais. Ce qui fait que, intéressés, des mbénga (poissons-tigres) ont un rendez-vous belliqueux permanent dans ce garde-manger si bien pourvu, non pas de mikoko que méprisent leurs canines pointues, mais de tous ces vertébrés herbivores qui foisonnent là tel un gibier en pacage et à la merci de tout prédateur.

Pour compléter le tableau du silencieux frétillement de la vie subaquatique apparemment paisible mais combien agressive et dangereuse en réalité, nous n’oserions pas déclarer l’absence de toute une gamme hétéroclite de sauriens, et même de reptiles. Le peuple amphibien de la tribu des carnivores pullule en effet dans cet étang où il n’arrête le carnage qu’une fois repu. Mais les hostilités et la boucherie recommencent chaque jour, tant il est vrai que pour vivre, surtout pour bien vivre, l’égoïsme, aux dépens de la vie des autres, est la règle d’or dans le comportement des ressortissants du règne animal. Même chez les prétentieux « animaux raisonnables « , la férocité de leur égoïsme est le socle même de leur idéal vital aussi bien que la garantie de leurs intérêts, puisque chez eux « la charité bien ordonnée… » se traduit par la destruction de la sensibilité et le règne de la dureté du cœur, chacun se prenant pour le centre de l’univers.

Lomami Tchibamba, « Légende de Londéma », dans Ngando et autres récits, Paris/Kinshasa, Présence Africaine et éditions Lokolé, 1982, p. 163-164.

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