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EXTRAIT : Chroniques du Katanga, dir. Dominique Ranaivoson, éditions Sepia
Matthieu travaille depuis des années à la Gécamine (La Générale des Carrières et des Mines Congolaises congolaise). Mais le secteur connaît des difficultés et doit mettre en « congé technique » bon nombre des mineurs. Un jour, au lieu de remonter, l'ascenseur descend en chute libre dans les eaux souterraines des profondeurs de la mine et Matthieu est porté disparu.
Ils étaient parti, ces braves gens qui avaient donné le meilleur d'eux-mêmes pour transformer la sueur de leur jeune front en vin et en pain pour le bonheur de tout un pays. Ils avaient vu la compagnie minière verdoyer puis jaunir, ils avaient brisé les os de la terre pour recueillir et remonter les entrailles prospères et avaient espéré enfin, hélas, voir un jour refleurir leur chère compagnie. Dans une contrée aussi bucolique que celle de Kamarenge, ils étaient désormais condamnés soit à l'oisiveté soit au retour aux travaux champêtres où il fallait de nouveau cultiver l'amour de la nature. (p. 50)
[…]
[Matthieu] redoublait toujours son pas lorsqu'il atteignait le grand champ de boit dit « Eucalyptus de la mort » à cause des corbeaux qui, lassés de leur longue course, venaient y achever leurs jours en poussant des coassements d'annonciateurs de malheurs. Ensuite, avant de se perdre dans les sinuosités du sentier tracé entre mes mitrailles rouillées d'anciens ascenseurs et étriers, il longeait, en fredonnant un cantique, le petit torrent qui venait briser ses flots sur le gué ou les pierrailles à la gorge du bassin de réserve de la pulpe. Il chantait invariablement :
« Inatushinda kufahamu mapendo yake Mungu kwetu
Mapendo haya yanapita mapendo yetu sisi watu
Nataka sasa Bwana yetu mapendo yoko makubwa
Yanisukme kukufwata, kukupendeza daima... »
Si l'auteur de ce texte était un traducteur chevronné, ces quelques lignes signifieraient à peu près :
« L'amour de Dieu est de loin le plus grand
Que langue ou plume ne peut le dire
Il va plus haut que la plus haute étoile
Il atteint le plus bas de l'enfer... »
Souvent, au moment où il passait la barrière où rêvait une sentinelle qui lui clignait d'un œil, la chute du jour était déjà achevée, les étoiles encerclaient de perles de diamant la grande hostie d'argent qui se balançait. Il s'éloignait là où la molette promontoire tournait chaque heure dans un sens ou dans un autre, hissant et descendant l'ascenseur dans le puits.
Le vent du Sud balayait les séquoias et les cyprès du quartier « Cinq ans », emportant leur parfum jusqu'à la tour d'où il rapportait en retour le grincement des câbles dans la gorge des poulies, le choc des gros blocs tombant dans les goulottes, de la rotation des tambours sur les paliers en airain, de la cascade des broyeurs fumants, du glissement des tapis roulants comme des pythons noirs.