roman

Nordine Guerrouj, un malfrat de la ville de Casablanca, est chargé par la riche Farida Azzouz, de faire partir la population migrante de la rue Goulmina, où elle possède des immeubles, pour ouvrir la voie à des projets immobiliers plus lucratifs.

En ce qui concernait l’autre volet de cette affaire, c’était plus difficile. Nordine avait envoyé des hommes de main intimider les locataires des immeubles de Farida, rue Goulmina. Depuis cette période de grandes migrations, la ville était envahie par des Africains venus de partout, du Sénégal, du Mali, de la Gambie, du Cameroun et même de plus loin, des deux Congo. Dans un premier temps, ils s’étaient installés tels des termites et, c’est connu, ces bestioles ne quittent la termitière qu’au moment où ils le décident. La valeur immobilière des immeubles avait dégringolé et il avait fallu rentabiliser les biens pour pouvoir assurer un minimum d’entretien. Nordine était chargé de la partie financière, c’est-à-dire de faire payer de maigres loyers aux migrants. Il savait être indispensable à Farida, qui possédait pratiquement un pâté de maisons dont les dépenses pouvaient monter très vite. L’idéal aurait été que le quartier fasse l’objet d’un plan d’urbanisme plus vaste mais, pour l’instant, rien ne bougeait du côté ds pouvoirs publics. Dans ce marasme, Saqr al-Jasser était apparu avec des propositions d’achat, un projet, et là Nordine devait activer ses méninges un peu plus efficacement : il s’agissait de faire déguerpir les locataires au plus vite pour que les bulldozers puissent se mettre en action. Lorsque la loi ne le permet pas, il faut bien avoir recours à des gens comme Nordine Guerrouj. Le Saoudien Al-jasser exigeait des terrains débarrassés de leurs constructions pour y bâtir un complexe de luxe comprenant hôtel cinq étoiles, salle de congrès, mall, zone piétonne, mais, pour obtenir les autorisations afférentes, il fallait prouver que les immeubles étaient abandonnés et que plus personne n’y habitait ? Nordine était chargé de faire en sorte que cela se produise sans provoquer trop de vagues.

In Koli Jean Bofane, La Belle de Casa, Paris : Actes Sud, 2018, p. 68-69.