roman

Le capitaine Achel Omba (Agent T.28) enquête sur une affaire de trafic d’uranium en RDC. L’enquête l’amène à pénétrer avec un commando dans un champ d’exploitation pétrolière sur la côte atlantique au sud de Cabinda.

Au bout d’une heure de marche, au moment de la traversée de la rivière Budubudu en cru, les guides, paysans que le chef de village leur avait confiés, décidèrent de rentrer. Ils étaient dans la partie nord de Nsiamfumu et il fallait atteindre la localité voisine de Banga. Le commando que pilotait Achel arpentait, en procession silencieuse, le flanc de coteau d’une montagne, empruntant des sentiers en terre meuble, bordés d’herbes brûlées, des arbres rabougris, presque perdus en brousse. Les effets des polluants de gaz, sans nul doute, n’épargnaient ni faune, ni flore ; l’espèce humaine était la plus affectée dans la région.

            Le commando atteignit le sommet du mont. Il parcourut, en quelques instants, une espèce de savane couverte de fougères, parsemée de rocs en saillie.

– Espérons, releva une voix, qu’il n’y aura pas de montée brusque de lune ce soir.

– Elle pourrait, en fait, handicaper notre progression renchérit quelqu’un dans le noir. Achel écoutait ces échanges, l’esprit submergé de diverses pensées. Pendant que le groupe débouchait sur un étroit chemin de brousse, dans la partie ouest de la zone montagneuse au relief abrupt, en pointes et éperons rocheux, une voix émerveillée s’exclama :

– Voilà les installations de la plateforme de forage de la Sun Oil Products.

En fait, étendue dans la localité de Banga, une superficie d’environ un kilomètre le long de la mer, le champ d’exploitation pétrolière de la SOP crevait les regards. Sous les lumières scintillantes, indécises, d’une ville fantôme champignon, l’espace aménagé, quasiment recouvert d’une verdure gazonneuse, traversé de bitume neuf, trois buildings modernes semblaient avoir poussé comme par enchantement dans un décor pittoresque. Des containers superposés, éparpillés partout, à côté de grues à la flèche suspendue, il se dégageait des lieux l’impression d’un port endormi. Enfoncés dans la brume, de grands entrepôts en préfabriqués occupaient la partie sud. Le terminal en pleine mer du derrick, chevalement supportant les multiples tubes de forage, avec ses balcons ajourés de garde-fous et échelles de montée donnait l’illusion d’un vaisseau échoué en plein océan.

Face à cet éventail déconcertant, Achel fixait le monstre mécanique en montage avec intérêt, l’esprit perdu, submergé d’innombrables questions allant du caractère mystérieux du trafic d’uranium au projet spectaculaire d’exploitation pétrolière. L’homme ne perçut que sombrement la corrélation duelle de cette entreprise fumeuse. Bien entendu, pour lui, l’objectif ultime consistait à pénétrer, coûte que coûte, le secret de ces installations fortement protégées. Achel s’assit sur un rocher sous le vent frais montant de la mer. Les derniers réglages nécessitaient plus de ressort.

Robert Sabwe, L’uranium de Shinkolobwe, Goma, Le Pari Africain, 2014, p. 283-284.