Menaces sur le littoral liées au port en eau profonde de Kribi
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Texte en français
L’élargissement du port de Kribi va de pair avec le projet de construction d’un oléoduc entre le Tchad et le Cameroun. Comme le note Léandre Edgard Ndjambou dans un article sur ce projet pétrolier, le transport du pétrole jusqu’à Kribi ne serait pas sans conséquences environnementales : « Les fuites et les explosions éventuelles pollueraient les nappes phréatiques et les terres agricoles et appauvriraient la diversité biologique. Or même les systèmes les plus sophistiqués de détection des fuites laissent quand même passer, en moyenne, 0,002 % du pétrole acheminé. Dans le cas d’une production comparable à celle de Doba au Tchad, ce sont donc environ dix mille litres de brut qui devraient s’échapper quotidiennement dans la nature. Au niveau de Kribi, les éventuelles fuites de pétrole seraient tout simplement un désastre, parce qu’elles menaceraient un habitat de tortues marines, espèce protégée. Greenpeace estime par exemple que l’oléoduc Doba-Kribi nécessitera près de 3 000 tuyaux et n’est pas à l’abri de catastrophes ; d’après une étude de l’université de Warwick (Grande-Bretagne), en cas de souillure des régions traversées par l’oléoduc, la destruction des richesses naturelles (faune, flore) pourrait atteindre 1 milliard de dollars. En outre, l’oléoduc permettra l’exploitation de deux autres gisements ; il est donc à craindre que tout le Sud du Tchad connaisse le sort de l’Ogoniland au Nigeria, exploité et pollué sans vergogne et où, entre 1982 et 1992, on estime à 6 millions de litres les fuites supportées par le groupe Shell dans le delta du Niger. Ces risques sont envisagés dans le rapport (publié le 22 octobre 1999) commandité par le gouvernement des Pays-Bas à la Commission for Environmental Impact Assessment et intitulé Advisory review of the environmental impact statements of the Chad export project in Chad and Cameroon ». (Voir NDJAMBOU Léandre Edgard, « La dynamique de l’arrière-pays international des ports camerounais : l’impact du projet pétrolier de Doba sur le port de Kribi », L’Espace géographique, 2005/2 (tome 34), p. 134-145. )
Ainsi que le montrent Gérard Amougou et René Faustin Bobo Bobo, les projets de développement initiés par le président camerounais Paul Biya depuis 1982 ont des conséquences environnementales et sociales importantes, en particulier en ce qui concerne le port de Kribi. Selon eux, « si les critiques dénoncent des études techniques et d’impacts environnementaux »bâclées », elles semblent surtout traduire un ressentiment général né de la marginalisation des natifs du site et des chefs dont »aucun des fils ne travaille au port » [selon leurs témoignages] ». Voir : AMOUGOU Gérard, BOBO BOBO René Faustin, « Ambition développementaliste, État stationnaire et extraversion au Cameroun de Paul Biya. Le projet de construction du port autonome de Kribi », Politique africaine, 2018/2 (n° 150), p. 29-51.
Le port de Kribi appartient à la fois à l’empire de la Chinafrique et de la Françafrique car les « grands chantiers de l’émergence » du Cameroun mis en place par Paul Biya juste avant sa réélection bénéficient des prêts chinois, avec parfois l’association du groupe français Bolloré comme c’est le cas pour le port de Kribi. (voir par exemple : « Le groupe Bolloré tire un trait sur l’Afrique », article de Martine Orange pour le journal Médiapart, 22 décembre 2021. Voir aussi AMOUGOU Gérard, KERNEN Antoine, NKOT Fabien, « Vivre et travailler dans une enclave chinoise au Cameroun : Les ouvriers d’un « grand chantier de l’émergence » », Cahiers d’études africaines, 2022/1-2 (n° 245-246), p. 241-263. C’est également ce qu’explique les chercheurs Gérard Amougou, Antoine Kernen et Fabien Nkot dans un article sur les ouvriers chinois au Cameroun : « Les ONG sont inquiètes d’un rapport rendu fin juillet 2002 par le comité d’experts indépendants mandaté par la Banque mondiale, qui révèle les violations des politiques environnementales et sociales pourtant soutenues par l’institution financière, et souligne le manque d’indépendance des études d’impact, qui ont été réalisées en présence de militaires. Des écologistes états-uniens cités par le New York Times pensent que ce projet serait tout simplement une chance unique »d’investir dans des gouvernements corrompus et d’obtenir une destruction rapide de la forêt tropicale sans coûts supplémentaires » (François-Xavier Verschave, Noir Silence. Qui arrêtera la Fraçafrique ?, Paris, Les Arênes, 2000, p. 158). Si l’on en croit l’analyse du Fonds mondial pour la nature (WWF) au Cameroun, l’oléoduc, dans sa traversée de zones à écologie fragile telles que les plaines inondables où se réfugient d’ordinaire les oiseaux, pourrait causer des dommages irréversibles ; tout en favorisant la saignée des massifs forestiers, l’ouverture de la forêt permise par l’oléoduc permettra aux braconniers de s’introduire dorénavant dans des zones jadis inaccessibles ». (Voir NDJAMBOU Léandre Edgard, « La dynamique de l’arrière-pays international des ports camerounais : l’impact du projet pétrolier de Doba sur le port de Kribi », L’Espace géographique, 2005/2 (tome 34), p. 134-145.)
Contributrice: Alice Desquilbet
Texte en anglais
The expansion of the port of Kribi goes hand in hand with the project to build an oil pipeline between Chad and Cameroon. As Léandre Edgard Ndjambou notes in an article on this oil project, transporting oil to Kribi would not be without environmental consequences: “Leaks and possible explosions would pollute groundwater and agricultural land and deplete biological diversity. But even the most sophisticated leak detection systems still leak, on average, 0.002% of the oil transported. In the case of production comparable to that of Doba in Chad, approximately ten thousand liters of crude oil should therefore escape into nature daily. At Kribi, possible oil leaks would simply be a disaster, because they would threaten the habitat of marine turtles, a protected species. Greenpeace estimates, for example, that the Doba-Kribi oil pipeline will require nearly 3,000 pipes and is not immune to disasters; according to a study by the University of Warwick (Great Britain), in the event of contamination of the regions crossed by the oil pipeline, the destruction of natural resources (fauna, flora) could reach 1 billion dollars. In addition, the pipeline will allow the exploitation of two other fields; it is therefore to be feared that the whole of southern Chad will experience the fate of Ogoniland in Nigeria, shamelessly exploited and polluted and where, between 1982 and 1992, it is estimated that 6 million liters of leaks were incurred by the Shell group in the Niger Delta. These risks are considered in the report (published October 22, 1999) commissioned by the Government of the Netherlands to the Commission for Environmental Impact Assessment and entitled “Advisory review of the environmental impact statements of the Chad export project in Chad and Cameroon”. (NDJAMBOU Léandre Edgard, « La dynamique de l’arrière-pays international des ports camerounais : l’impact du projet pétrolier de Doba sur le port de Kribi », L’Espace géographique, 2005/2 (tome 34), p. 134-145. )
As Gérard Amougou and René Faustin Bobo Bobo show, the development projects initiated by Cameroonian President Paul Biya since 1982 have significant environmental and social consequences, in particular with regard to the port of Kribi. According to them, « if the critics denounce ‘botched’ technical and environmental impact studies, they above all seem to reflect a general resentment born from the marginalization of the natives of the site and the chiefs of whom ‘none of the sons work at the port » [according to their testimonies]”. (AMOUGOU Gérard, BOBO BOBO René Faustin, « Ambition développementaliste, État stationnaire et extraversion au Cameroun de Paul Biya. Le projet de construction du port autonome de Kribi », Politique africaine, 2018/2 (n° 150), p. 29-51.)
Contributor: Alice Desquilbet
Fin de composition (enjeu situé / description création)