roman
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Dans le cinquième chapitre de la nouvelle éponyme Cycle de Sécheresse, Cheikh Charles Sow décrit la sécheresse qui a frappé les contrées du Sahel dans les années 1970 à travers le récit de la transhumance d'un troupeau de bœufs. Celui-ci, conduit par le berger Yoro (au fond n'est-il pas lui même guidé par ses bêtes?), visite les terres arides d'une région qui ressemble au Fouta sénégalais à la recherche de cours d'eau. Chemin faisant, l'auteur présente les conséquences de la sécheresse aussi bien sur les hommes que sur les animaux. Ce qui fait de ce phénomène écologique à la fois un fléau social et un désastre économique pour les nombreux bergers qui vivent de l'élevage et de ses produits.
Les bœufs pleurent bien; ces longs beuglements étaient bien des plainteSahels, des cris désespérés. Cela, Yoro, l'homme des bœufs, le savait depuis son enfance, mais c'était la première fois qu'il les percevait ainsi, ces pleurs, si forts et si déchirants. Et il ne pouvait rien faire pour ses bêtes, rien que les suivre dans leur trouble errance.
Ce pays était devenu sec, sec: incroyablement desséché et abandonné. Depuis deux jours ils n'avaient rencontré que des villages désertés, aux puits morts, comme sucés par la soif des hommes, jusqu'à la toute dernière goutte d'eau. Jadis, dans les récits des veillées, Yoro avait entendu les anciens parler de terribles sécheresses; mais il avait toujours perçu cela comme les autres terribles choses de la mythologie; terribles mais lointaines. Et pourtant ce qu'il vivait depuis deux mois n'avait rien des contes et des récits; il vivait une bien plus terrible réalité.
Il avait vu la soif et la faim des hommes; des hommes devenant fous, s'enfuyant devant eux, en hordes perdues, sans but défini, comme vers la mort.
Il avait vu des bergers affolés vendre leurs troupeaux, pour une bouchée de pain, à des spéculateurs venus de la ville avec de gros camions tout rafler après de cyniques marchandages.
Aux yeux du berger, les choses semblent encore plus horribles pour les animaux: partout des bœufs, des moutons, des chèvres maigrissant, fondant littéralement avant de s'écrouler pour ne plus se relever.
Partout des troupeaux décimés, des dépouilles de bêtes que l'on ne dissimulait pas rapidement comme celle des hommes, et qui pourrissaient au soleil, chargeant l'air déjà suffocant d'une fétide odeur de mort. Et il avait même vu des bœufs se tuer oui, en se jetant au fond des puits secs, préférant, eux que l'on dit bêtes, la mort à la désespérante vie sans eau.
C'est à la suite d'une telle scène, d'ailleurs, que Yoro avait décidé de descendre vers le Sud, vers une zone qu'il croyait plus clémente. Et maintenant, il le regrettait presque, il lui semblait qu'il n'y avait nulle part de zone qu'il croyait plus clémente. La sécheresse souveraine avait-elle envahi toute la terre, marquant chaque pouce de terrain, chaque être vivant de son mortel sceau et annonçant la fin des temps?
Cheikh Charles Sow, Cycle de sécheresse, Paris, Hatier, 1984, pp. 22-23.
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