Souvenir d'été à Asilah (Moncef Louhaïbi)
Moncef Louhaïbi est une voix importante de la poésie tunisienne et arabe. Sa vision, solidement ancrée dans l’héritage culturel arabo-musulman classique, qu’il revisite avec des élans parfois soufis, est installée dans la modernité et l’une des plus ouvertes sur la poésie internationale.
Version originale
Texte en version originale (sens de lecture droite-gauche)
ذكرى صيف أصيلة
*
إلى الطاهر البكري
معك اقف في « رأس سبارطبيل ».
نتآخى كما يتآخى المتوسّط و الأطلسي.
أقول :
الأرض كرة مائيّة
الّسّماء و ألأرض كانتا أختين.
و لكن أين رحلت الآلهة التي بنت عرشها
في هذا البرزخ، دات يوم من بواكير الأبدية؟
بأيّ اسم نسميها؟
أهي « زيليس » أم « أزيلة »؟
ذهب الأوّلان كما تذهب اسماء و مسمّيات كثيرة.
( اللغة مقبرة أيضا )
و لكنّي أصغي لصليل جرسهما
في « أصيلة » هذا الإسم الباقي.
(المدن تبدّل اسماءها أيضا)
تهجَّ الصّفة حرفا حرفا
جرسا جرسا
في هذا الشهر الرّحيم
شهر » غشت » من « زيليس »
و قل:
كان ذو الرمة يفعل ذلك ايضا
و لكن في بادية الشّام
حيث تعلّم أن يخطّ في الرمل
الطّرس الذي يمحى.
الطّرس الذي يكتب.
نهبط وئيدا إلى « مغارة هرقل »
يا لهذا البيت المنقور في الماء
هذا العقد الحجري
ألا يكون لنا بيتا آمنا
كما كان لقراصنة البحر؟
تهجّ الصفة سيمياء اللغة
لن تضيع بين فواصل « أزيلة »
و نقاطها و علاماتها
لا بدّ من « زيليس »
و إن طال السفر.
انت تعرف.
ما نكتبه احلام صوتية لا غير.
( الكتابة حلم الأعمى أيضا.
هل يرى إلاّ أصواتا و أجراسا؟
أبدا لن يرى ال؟لام الذي يسهر في عينيه)
ماذا يتبقّى؟
ذاكرة اللون أم ذاكرة الضّوت؟
(الكتابة مقبرة اصوات أيضا.
الحرف ظلّ الصّوت..قوس الصّدى)
ما الذي يتبقّى؟
أبدا لن تتّسع كلمة « ليل »
لهذا الليل الخريفي الشاسع
يهبط في ظلّه
(أليس الظلّ شقيق الليل ؟)
رفّة جناح في البيت
(أنّى لظلّ الخطاف
أن يتحدّر من سقف طفولتنا في « تكابس »)
رفة جناح أمْ؟
اهلا بطاءر الّيل
يمرق من نافذتي العمياء
*
منصف الوهايبي
أوت 1998
Traduction française
Texte en français
Souvenir d’été à Asilah
*
Debout avec toi au Cap Spartel
Nous sommes frères comme le sont
la Méditerranée et l‘Atlantique.
Je dis :
La terre est une planète aquatique
Le ciel et la terre étaient sœur et frère.
Mais où sont partis les dieux qui ont construit leur trône
Dans cet isthme, un certain jour de l’éternité première ?
Par quel nom l’appelons-nous ?
Est-ce « Zelis » ou « Azila » ?
Les deux disparurent comme disparaissent des noms et des nominations nombreuses.
(La langue est un cimetière aussi)
Mais j’écoute les sons de leurs cloches
A Asilah ce nom qui reste.
(Les villes changent de nom aussi)
Epèle la qualité lettre par lettre
Cloche par cloche
Dans ce mois clément
Le mois d’août de Zelis !
Et dis :
Dhou al-Rumma faisait cela aussi
Mais à la campagne du Cham
Où il avait appris à tracer sur le sable
La tablette qui s’efface
La tablette qui s’écrit
Nous descendons lentement
Dans la grotte d’Hercule
O demeure taillée dans l’eau !
Ce collier de pierre !
Aurons-nous une maison aussi sûre
Comme pour les pirates de la mer ?
Epèle la qualité sémantique de la langue
Elle ne se perdra pas entre les virgules Azila
Ses points et ses signes.
Il faudra Zelis
Même si le voyage est long.
Tu le sais.
Ce que nous écrivons
Ce sont des rêves sonores sans plus.
(L’écriture est le rêve de non voyant aussi.
Voit-il seulement des voix et des sons ?
Jamais il ne verra l’obscurité qui veille dans ses yeux.)
Qu’est-ce qui reste ?
La mémoire de la couleur ou la mémoire de la voix ?
(L’écriture est un cimetière de voix aussi.
La lettre est l’ombre de la voix. L’arc de l’écho.)
Qu’est ce qui reste ?
Jamais le mot « nuit » ne peut suffire
A cette vaste nuit automnale
Qui descend dans son ombre !
(L’ombre n’est-elle pas la sœur de la nuit ?)
Un battement d’ailes dans la demeure
De quelle manière l’aile de l’hirondelle
Peut-elle descendre du plafond de notre enfance à Tacapes ?)
Battement d’une aile ou…,
Bienvenue oiseau de nuit
Qui traverse ma fenêtre aveugle !
*
Asilah août 1998
English translation
Texte en anglais
Standing with you at Cape Spartel
We are brothers as are
Mediterranean and the Atlantic.
I say:
Earth is a water planet
Heaven and earth were sister and brother.
But where have the gods gone who built their throne
In this isthmus, on a certain day of first eternity?
What name do we call it by?
Is it “Zelis” or “Azila”?
Both disappeared as names and numerous nominations disappear.
(Language is a cemetery too)
But I listen to the sounds of their bells
To Asilah this name which remains.
(Cities change names too)
Spells quality letter by letter
Bell by bell
In this mild month
The month of August in Zelis!
And say:
Dhou al-Rumma did this too
But in the Cham countryside
Where he learned to trace in the sand
The fading tablet
The tablet that writes itself
We go down slowly
In the cave of Hercules
O dwelling carved in water!
This stone necklace!
Will we have such a safe home
As for sea pirates?
Spells out the semantic quality of the language
It will not get lost between the commas Azila
Its points and signs.
It will take Zelis
Even if the journey is long.
You know it.
What we write
These are sonic dreams, nothing more.
(Writing is also the dream of the blind.
Does he only see voices and sounds?
He will never see the darkness that watches in her eyes.)
What’s left?
Memory of color or memory of voice?
(Writing is a cemetery of voices too.
The letter is the shadow of the voice. The arc of echo.)
What is left?
The word “night” can never be enough
In this vast autumn night
Who descends into his shadow!
(Isn’t the shadow the sister of the night?)
A beating of wings in the house
In what way does the swallow’s wing
Can it come down from the ceiling of our childhood in Tacapes?)
Beating of a wing or…,
Welcome night owl
Who crosses my blind window!
Asilah August 1998
Contributeur: Tahar Bekri