"Dedans, dehors" (Sophie Bessis)

    • français

    Texte en version originale

    Version originale


    L’île se meurt. Il n’y a plus de sable où faire grandir les arbres. La mer ne se respire plus depuis les jardins. La chaux des minarets s’écaille, ceux qui sont petits comme des enfants. D’autres ont surgi, si hauts, leur croissant déchire le ciel, comme s’il fallait faire mal au ciel pour que tout le monde sache qu’on adore. Des tas de gens viennent pour voir la mer, ils croient. Ils ne poussent pas les portes disloquées des vieux lieux de prière. Ils ne connaissent pas les jarres aux formes anciennes. On ne sait plus les cuire. Les fours sont ensevelis. Moi je ne vais plus dans l’île. Je ne veux pas voir.

    Sophie Bessis, Dedans, Dehors, Tunis, Elyzad, 2010, p. 68.

    Contributrice:

    Texte en anglais

    English translation


    The island is dying. There is no more sand for trees to grow. The sea can no longer be breathed from the gardens. The lime from the minarets is peeling, those that are small like children. Others have arisen, so high, their crescent tears the sky, as if the sky had to be hurt so that everyone knows that we worship. Lots of people come to see the sea, they believe. They do not push open the dislocated doors of old places of prayer. They don’t know the old-fashioned jars. We no longer know how to cook them. The ovens are buried. I no longer go to the island. I don’t want to see.