Congo (Eric Vuillard)
Vuillard Eric, Congo, Editions Actes Sud, coll. “Babel”, Paris, 2012, p. 63.
Après Lemaire, il y eut Fiévez. Le fleuve et la forêt ne l’avaient pas attendu. Les villages, les huttes, les pirogues ne l’avaient pas attendu. Mais il vint, il vint arracher quelque chose à cette terre. A ce fleuve et à cette forêt. On était venu ici pour remplir de petits paniers de sève. Stanley, Lemaire et quelques autres avaient bâti des comptoirs ; il fallait à présent procéder à la récolte du caoutchouc. C’est pour ça qu’on était venu, pour le caoutchouc, et il en fallait le plus possible, et vite ! Car un État, même fantoche, même un État sans administration, sans écoles, sans hôpitaux, sans rien, ça coûte cher. Le Congo coûtait cher. Il fallait donc lui soutirer son ivoire et son caoutchouc pour qu’il se finance lui-même.
Vinrent alors Fiévez et bien d’autres, de pauvres types désirant s’enrichir à tout prix. Tout alla très vite. En quelques mois, l’horreur monta d’un cran. L’Europe voulait du caoutchouc, c’était alors tout ce qu’elle demandait ; elle se fichait bien de comment ce caoutchouc pourrait être pris, récolté, touillé, filtré, séché ; il lui en fallait sa dose, point barre.
Contributrice: Valentine Ollier