Água turva / Eau trouble (Morgana Kretzmann)
Début composition (enjeu situé / description création)
Texte en français
Morgana Kretzmann, Água turva, São Paulo, Companhia das Letras, 2024
« Un écosystème menacé par un projet prédateur. Une communauté à la merci de l’ambition mesquine et malveillante de politiciens et d’hommes d’affaires corrompus. Un réseau de contrebande marqué par la violence, des héritages familiaux et des préjudices environnementaux. Tels sont quelques-uns des éléments centraux du roman Água turva, œuvre récente de Morgana Kretzmann. « Je viens d’un endroit où je veux mener la lutte sociale et environnementale, ne serait-ce qu’à travers la fiction », affirme-t-elle. Cet endroit dont parle Morgana est précisément celui où se déroule l’intrigue de son livre : sa région natale, près du Parque Estadual do Turvo, dans l’arrière-pays du Rio Grande do Sul. L’auteure a consacré quatre années à construire, avec des détails factuels, le décor fictif qui entoure cette zone de conservation environnementale, située à la frontière entre le Brésil et l’Argentine, dans le nord-ouest de l’État. Pour raconter cette histoire, elle a interviewé des professionnels du secteur et visité personnellement le Parc du Turvo à plusieurs reprises. L’intrigue tourne autour de la menace représentée par un projet de centrale hydroélectrique, dont la construction submergerait la réserve naturelle, entraînant la disparition du Salto do Yucumã – la plus grande chute d’eau longitudinale du monde – ainsi que du dernier refuge de la onça-pintada d’Amérique dans le sud du Brésil. Ce contexte troublé rythme les actions des trois protagonistes : Chaya, garde-forestière qui consacre sa vie à la protection du Turvo ; Olga, journaliste et attachée parlementaire du criminel député Heichma ; et Preta, cheffe du groupe de chasseurs et de contrebandiers Pies Rubros, opérant sur le fleuve Uruguay du côté argentin. Le destin des trois femmes s’entremêle au fil de conflits familiaux et d’héritages générationnels, dans une intrigue dynamique qui emprunte aux codes du roman policier pour aborder l’effondrement climatique et environnemental. »
Source : Luiza Zauza, Radis
Contributeur : Luciano Brito
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Texte en anglais
Morgana Kretzmann, Água turva, São Paulo, Companhia das Letras, 2024
« An ecosystem threatened by a predatory project. A community at the mercy of the petty and malicious ambition of corrupt politicians and businessmen. A smuggling scheme marked by violence, family legacies, and environmental damage. These are some of the core elements of Água turva, the latest novel by Morgana Kretzmann. « I come from a place where I want to engage in social and environmental struggles, even if only through fiction, » she states. This place Morgana refers to is the very setting of her book: her native region, near Turvo State Park, in the rural interior of Rio Grande do Sul. She dedicated four years to meticulously building the fictional backdrop surrounding this environmental conservation unit, located on the Brazil-Argentina border in the northwest of the state. To tell this story, she interviewed professionals in the field and personally visited Turvo Park multiple times. The plot revolves around the threat of a hydroelectric plant, whose construction would flood the environmental reserve, erasing the Salto do Yucumã—the world’s largest longitudinal waterfall—and the last stronghold of the jaguar in southern Brazil. This turbulent backdrop drives the actions of the three protagonists: Chaya, a park ranger devoted to Turvo’s protection; Olga, a journalist and parliamentary aide to the criminal congressman Heichma; and Preta, the leader of Pies Rubros, a group of hunters and smugglers operating on the Uruguayan River on the Argentine side. The destinies of these three women intertwine amid family conflicts and generational legacies, in a fast-paced narrative that draws on crime fiction to address climate and environmental collapse. »
Source : Luiza Zauza, Radis
Contributor : Luciano Brito
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Fin de composition (enjeu situé / description création)
Début composition (création)
Texte en version originale
Version originale
Original version
“Miseráveis. É a última vez que entram aqui pra caçar.” Chaya Sarampião acelera a caminhonete branca encardida, em cujas portas é possível ver o brasão da “Guarda-florestal — sema”. Segura firme o volante enquanto passa com destreza pelos buracos e pedras da estrada de terra enlameada.
“Hoje a gente pega eles”, fala para Ângelo Alves, o novo chefe do parque do Turvo, sentado ao seu lado, e para os outros dois guardas-florestais, Cláudio e Nestor, no banco de trás. Escutam disparos de arma de fogo e em seguida o grito agudo de um animal vindo da cascata do Sarampião, um dos pontos de mata mais fechada do parque. Chaya puxa o freio de mão, fazendo os pneus derraparem. O carro para atravessado. Ela desliga o motor. Os quatro descem com as pistolas em punho. Com um gesto, ela indica a retaguarda para Cláudio e Nestor. Por conta dos novos cortes no orçamento, os dois tiveram que comprar seus próprios coletes à prova de balas. Coletes usados, vindos do outro lado do rio Uruguai, de Moconá, na Argentina. Ouvem o som de um tiro seco. Avançam mato adentro. Se aproximam da base da cascata. O barulho da queda d’água retumba. No chão, uma anta de porte médio, mais ou menos de um ano de idade, sangra ainda viva. Cláudio e Nestor andam devagar, ao mesmo tempo em que olham ao redor, à procura dos caçadores. Quando chegam perto do animal, tiros são disparados na direção dos dois. As balas ricocheteiam nas pedras, uma delas atinge o colete de Nestor. Ele cai. Chaya e Ângelo revidam enquanto Cláudio ajuda o colega, puxando-o para trás do tronco de um cedro. Escutam gritos num portunhol típico daquela região de fronteira:
“¡Por favor, dejen de disparar! ¡Dejen de disparar!”
Ângelo para de atirar. Chaya continua.
“Cessar! Parou, soldada!”, Ângelo ordena.
Ela para, mas segue com a arma apontada para a frente.
“Apareçam com as mãos pra cima.”
Um adolescente com olhos arregalados surge com os braços levantados.
“Cadê os outros?” Chaya caminha até ele sem baixar a arma. O menino implora, “Ayuda”, e aponta para o arbusto com bromélias vermelhas às suas costas. Ângelo faz sinal para Cláudio e Nestor. Avançam com cautela até enxergar um homem estirado no chão. Ele geme. Há sangue em seu pescoço, se espalhando pelas folhas secas e pelo barro vermelho. Ao lado dele, um revólver calibre 38.
“Meliante atingido, capitão”, Cláudio avisa.
“Sinal dos outros jaguaras?”
“Nada, senhor.”
O adolescente, que segue na mira de Chaya, começa a chorar. Um choro atormentado pelo choque que o assombra.
“¡Ayuda!” Ele engasga com o próprio desespero.
(Morgana Kretzmann, Água turva, São Paulo, Companhia das Letras, 2024)
Texte en français
Traduction française
« Misérables. C’est la dernière fois qu’ils entrent ici pour chasser. » Chaya Sarampião appuie sur l’accélérateur du pick-up blanc crasseux, sur les portes duquel on peut voir l’emblème de la « Garde forestière — SEMA ». Elle serre fermement le volant en manœuvrant habilement à travers les nids-de-poule et les pierres de la route de terre boueuse.
« Aujourd’hui, on les attrape », dit-elle à Ângelo Alves, le nouveau chef du parc du Turvo, assis à ses côtés, ainsi qu’aux deux autres gardes forestiers, Cláudio et Nestor, installés à l’arrière. Des coups de feu retentissent, suivis du cri perçant d’un animal provenant de la cascade de Sarampião, l’un des secteurs les plus denses du parc. Chaya tire le frein à main, faisant déraper les pneus. Le véhicule s’arrête en travers de la route. Elle coupe le moteur. Tous les quatre descendent, armes au poing. D’un geste, elle assigne la couverture arrière à Cláudio et Nestor. En raison des récentes coupes budgétaires, ils ont dû acheter eux-mêmes leurs gilets pare-balles. Des gilets d’occasion, venus de l’autre côté du fleuve Uruguay, de Moconá, en Argentine. Un coup de feu sec se fait entendre. Ils s’enfoncent dans la végétation. En approchant de la base de la cascade, le fracas de l’eau en chute résonne. Sur le sol, un tapir d’environ un an gît, encore en vie, saignant abondamment. Cláudio et Nestor avancent prudemment, scrutant les environs à la recherche des braconniers. Alors qu’ils s’approchent de l’animal, des tirs fusent dans leur direction. Les balles ricochent contre les pierres, l’une d’elles frappe le gilet de Nestor. Il s’écroule. Chaya et Ângelo ripostent tandis que Cláudio traîne son collègue derrière le tronc d’un cèdre. Ils entendent des cris dans un portunhol typique de cette région frontalière :
« ¡Por favor, dejen de disparar! ¡Dejen de disparar! »
Ângelo cesse de tirer. Chaya continue.
« Cessez le feu ! Arrêtez, soldate ! », ordonne Ângelo.
Elle obéit, mais garde son arme braquée devant elle.
« Montrez-vous, les mains en l’air. »
Un adolescent aux yeux écarquillés apparaît, les bras levés.
« Où sont les autres ? » Chaya s’avance vers lui sans baisser son arme. Le garçon supplie : « Ayuda », et désigne un buisson de bromélias rouges derrière lui. Ângelo fait un signe à Cláudio et Nestor. Ils avancent prudemment jusqu’à apercevoir un homme allongé au sol. Il gémit. Du sang coule de son cou, s’étalant sur les feuilles mortes et la boue rouge. À côté de lui, un revolver calibre .38.
« Suspect touché, capitaine », signale Cláudio.
« Des traces des autres gars ? »
« Rien, chef. »
L’adolescent, toujours sous la menace de l’arme de Chaya, éclate en sanglots. Un pleur déchiré par le choc qui l’oppresse.
« ¡Ayuda! » Il s’étouffe dans son propre désespoir.
(Traduction par Luciano Brito pour l’Anthologie écopoétique située en ligne)
Texte en anglais
English translation
“Miserable bastards. This is the last time they come here to hunt.” Chaya Sarampião steps on the gas of the grimy white pickup truck, on whose doors the emblem of the « Forest Guard — SEMA » is visible. She grips the steering wheel tightly, skillfully navigating through the potholes and rocks of the muddy dirt road.
“Today, we catch them,” she says to Ângelo Alves, the new chief of Turvo Park, sitting beside her, and to the two other forest rangers, Cláudio and Nestor, in the back seat. They hear gunshots, followed by the sharp cry of an animal coming from the Sarampião waterfall, one of the park’s densest forest areas. Chaya pulls the handbrake, making the tires skid. The vehicle stops sideways across the road. She turns off the engine. All four jump out, guns drawn. With a gesture, she signals Cláudio and Nestor to cover the rear. Due to recent budget cuts, the two had to buy their own bulletproof vests. Second-hand vests, brought from across the Uruguay River, from Moconá, Argentina. A dry gunshot echoes. They push forward into the undergrowth. As they near the waterfall’s base, the roaring sound of falling water fills the air. On the ground, a medium-sized tapir, about a year old, lies bleeding, still alive. Cláudio and Nestor move carefully, scanning the area for poachers. As they approach the animal, shots are fired in their direction. Bullets ricochet off the rocks, one hitting Nestor’s vest. He collapses. Chaya and Ângelo return fire while Cláudio pulls his colleague behind the trunk of a cedar tree. They hear shouting in the typical portunhol of the border region:
“¡Por favor, dejen de disparar! ¡Dejen de disparar!”
Ângelo stops shooting. Chaya does not.
“Cease fire! Stop, soldier!” Ângelo orders.
She stops but keeps her gun aimed forward.
“Show yourselves, hands up.”
A wide-eyed teenager emerges with his arms raised.
“Where are the others?” Chaya walks toward him without lowering her weapon. The boy pleads, “Ayuda,” pointing to a bush with red bromeliads behind him. Ângelo signals to Cláudio and Nestor. They advance cautiously until they spot a man lying on the ground. He groans. Blood is seeping from his neck, spreading over the dry leaves and red mud. Next to him, a .38 caliber revolver.
“Suspect down, captain,” Cláudio reports.
“Any sign of the other bastards?”
“Nothing, sir.”
The teenager, still under Chaya’s aim, starts crying. A tormented sob, overwhelmed by the shock haunting him.
“¡Ayuda!” He chokes on his own desperation.
(Translation by Luciano Brito for Anthologie écopoétique située online)
Fin de composition (création)