roman
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Le personnage principal du roman, Médée, emprunte un taxi pour se rendre sur la marina de l'ancien hôtel Neng Abembé (Neng a Mbé Mbé dans le roman) au bout de la route du Cap Lopez dans la péninsule de Mandji.
D’un côté de la route, les marécages s’étendent sur des centaines de mètres jusqu’à une longue procession de palétuviers lugubres. Sinistres et gais bordels à poissons : ils s’accouplent furieusement parmi les racines aériennes où s’agrippent des passereaux couleur sang, pareils à des larmes rouges sanglotées dans la mangrove.
C’est le Temps qu’ils pleurent.
De l’autre côté, une gigantesque demeure, moderne, caricature le style colonial.
– C’est l’hôtel Nen a Dédé, pense Médée, apercevant la plage dans son prolongement.
Elle se prépare à descendre du taxi, mais il ne s’arrête pas. Elle s’imagine un instant proie d’un complot terrible, mais c’est juste qu’ils ne sont pas encore arrivés. La maison coloniale n’est pas un hôtel mais la résidence secondaire d’un privilégié. À côté d’elle, un autre palace, long édifice décrépit avec terrasse sur le toit et jardin somptueux, lance des regards langoureux tantôt vers la plage idyllique et ses sages cocotiers, tantôt vers la vase aux oiseaux où végète un petit chantier naval abandonné au bord de la route.
Le taxi roule lentement, tout droit. Après le château au toit plat et le chantier livré aux boues, ils passent une maison bleue couchée sur la plage, jolie comme une cabane, t puis une plantation de bananes, et un camp de pêcheur avant de s’arrêter enfin, tout au bout de la route en impasse, dans un parking sans voitures.
– C’est là ? s’étonne Médée.
– Oui, c’est là. Mais c’est fermé depuis longtemps, Madame.
Sa course payée, le taxi rebrousse chemin sans se hâter. Devant Médée, une armée d’arbrisseaux brandit ses feuilles acérées pour barrer la route de la plage. Elle protège aussi une petite rivière à l’entrée de laquelle se trouve la marina. Derrière des grappes de fleurs pourprées. Médée devine les coques accouplées d’un catamaran ; la blancheur d’un voilier lui apparaît entre les touffes des arbustes, et, au-dessus des larges feuillages d’arbres aux branches enchevêtrées, elle voit poindre des mâts.
Mais le règne végétal, qui garde si jalousement les secrets de l’eau, du sable et de la marina, évente celui des ruines de Neng a Mbé Mbé.
Parfois, la nature féconde les ruines et une fleur peut germer au milieu des décombres ; les ruines de Neng a Mbé Mbé ont, elles aussi, convié la semence de toute vie, mais même la mauvaise herbe a refusé l’invitation.
Médée contemple les restes du complexe hôtelier.
Bessora, Petroleum, Paris, Denoël, 2004, p. 288-289.
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