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Barroco Tropical (Agualusa)
Luanda, 2020. « L’Angola connaît la fin du pétrole et – par conséquent – la fin de l’euphorie économique actuelle. La fracture sociale s’est creusée jusqu’à plonger la capitale dans une atmosphère post-apocalyptique », résume Maria João Caetano dans le quotidien lisboète Diário de Notícias. « Un immeuble désaffecté abrite prostituées et rave parties sur fond de musique kuduro ; un homme qui a perdu son visage et porte un masque de Mickey erre dans un bar qui ne ferme jamais. La "Termitière", l’immeuble où vit le protagoniste de Barroco tropical, est un microcosme de la société angolaise : l’élite vit aux étages supérieurs, les mendiants et les criminels aux sous-sols ». Avec ses huit millions d’habitants, sa galerie de personnages déjantés et sa frénésie tragi-comique, la Luanda qu’imagine l’écrivain angolais José Eduardo Agualusa « court à toute allure vers le Grand Désastre ».
Article publié dans le magazine Books n° 9, octobre 2009.
"Le lendemain matin, je suis allé explorer la décharge du Golfe.
Entre nous, il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre la ville et la décharge. Je connais des quartiers, vastes comme des métropoles, qui ont été bâtis sur les ordures et à partir des ordures, dans une bizarre et cruelle harmonie. J’ai vu des vieux conteneurs rouillés transformés en salons de beauté et des rigoles pour l’écoulement des eaux usées à même les ordures. Les murs des baraques sont construits à toute vitesse avec des parpaings en ciment et recouverts de plaques de zinc. On pose ensuite dessus de lourdes pierres pour que le vent ne les soulève pas. Récemment, pendant une tempête, une de ces toitures s’était détachée, élevée dans les airs, avait pris de la vitesse et en redescendant elle avait décapité un cycliste. Sa tête avait paru à la première page de l’Impoluto. En la voyant, je m’étais souvenu de la tête de saint Jean-Baptiste, de celle de Marie-Antoinette, de celle de Zumbi, de celle de Lampião, de celle d’Ernesto Che Guevara, et de tant d’autres têtes célèbres sans corps. Celle-ci était une tête anonyme. Si j’avais été un journaliste indépendant, ou un politicien de l’opposition, j’aurais pu être tenté d’y voir la « tête du peuple angolais ». Ce n’est pas le cas. J’ai regardé la tête et j’ai vu une tête.
Des gens vivant au milieu des ordures c’est quelque chose de courant. Ce qui m’intéressait c’était de vérifier l’allégorie – une petite fille développant la capacité de communiquer avec des chiens à cause d’une incapacité à se faire entendre des êtres humains."
José Eduardo Agualusa, Barroco tropical, Paris, Métaillé, 2011, p. 114-115.

ENJEU CONCERNÉ

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