roman

Ken Bugul, Aller et Retour, Dakar, NEAS, 2018 [2013], pp. 147-148.

Bigué arriva à Ngor, passa devant le Casino d'où elle apercevait l'hôtel de Ngor, et atteignit le rond-point du Virage. Elle se rappelait les années soixante quand la mer rugissait encore à cet endroit, avec seulement quelques maisons qui avaient l'air de s'envoler au vent, et un restaurant de ce nom. Les vagues étaient si hautes et si puissantes qu'on les entendait de loin et sa plage était classée dangereuse.

À présent, un hôtel bar restaurant glacier déverse dans la mer tous ses déchets qui reviennent encrasser la plage. Les installations anarchiques de paillotes avancent de plus en plus vers la mer, et leurs propriétaires prennent d'office des pans de plage pour y mettre des nattes et des transats à louer. Ceux qui n'ont pas les moyens d'en occuper, doivent chercher des petits bouts de sable entre des rochers. Ces gargotes et restaurants déversent aussi leurs poubelles et eaux usées dans la mer. Pourtant, un panneau est planté à cet endroit avec ce joli slogan: "Ndakaaru Plage propre"! Les fonctionnaires des services sanitaires, qui passent leur temps dans des bureaux climatisés, ne peuvent pas se rendre compte de ce qui se passe sur le terrain. Peut-on développer un pays entre bureaux, voitures, et politique politicienne, tous "climatisés" mais sans rien d'assaini ?