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Cheikh Ahmadou Abdul Gueye,
« Sabodala ou le rêve kedovin », Seneweb, 2013
Presque trois ans dans cette bourgade de Kédougou, région à la
destinée incertaine et sombre, tracée d’avance par une situation
de réelle précarité, région érigée officiellement en localité
carcérale, qui manque de tout, donc ne disposant presque de
rien, où la misère côtoie le dénuement total, où les populations
attendent lamentablement les perspectives d’un avenir qui s’est
déjà rétracté. Trois ans n’ont pas suffi pour percer le mystère
kédovin qui s’enracine dans une diversité réfractaire à toute
analyse simpliste. Trois ans n’ont pas véritablement suffi pour
jauger toute la richesse de cette nouvelle région, une région qui
se débat contre toutes sortes de représentations, de croyances et
de stigmatisations qui trouvent leur fondement dans une forme de
relégation sociale et étatique aussi injuste qu’incompréhensible.
Derrière leur mine parfois guerrière et vindicative, les kédovins
adossent sereinement et stoïquement leurs habits d’oubliés de la
nation.
Si trois ans n’ont pas suffi à tout ça, trois ans ont largement suffi
pour percer le rêve kédovin, un rêve ambulant, un rêve ambiant,
un rêve merveilleusement orchestré par les rêveurs qui attendent
paradoxalement leur réveil pour le vivre et y vivre. Rêve d’or, rêve
de l’or ou rêve doré, qu’importe le vocable qu’on choisira, le rêve
kédovin trouve son symbole dans ce métal précieux et son point
d’ancrage à sabodala, village qui s’étale dans un lit de métal jaune.
Ce rêve, profondément ancré dans les habitudes et les attitudes
est au fondement de ce « l’auri sacra fames » (faim exécrable
de l’or) et pousse à un nomadisme effréné à la poursuite du filon.
Ce rêve, s’il tarde toujours à se réaliser, constitue au moins un
calmant dissuasif qui berce encore les espoirs des populations de
Kédougou. Comme au temps des conquistadores, les promesses
de l’or font rêver plus que l’or véritable.
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